Outre les nombreuses obligations pesant sur le banquier, il est également tenu à une obligation d’information, de renseignement et de conseil qui lui impose de délivrer une information sincère et à jour à son client, de le renseigner sur l’étendue des contrats qu’il souhaite lui faire souscrire et de le conseiller sur ces derniers afin qu’ils soient le plus adaptés à la situation du client.
Dans le cas d’espèce qui était soumis à la Haute Cour, il était reproché un défaut d’information et de conseil de la part d’une banque, intermédiaire d’assurance, lors d’arbitrages réalisés au titre des unités de compte d’un contrat d’assurance-vie.
L’arrêt opère un raisonnement en deux temps en précisant d’une part, la nature du préjudice subi par le client, et d’autre part, le moment et les critères de son évaluation.
La Cour énonce que « le manquement d’un assureur ou d’un courtier à son obligation d’informer, à l’occasion d’un arbitrage, le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie libellé en unités de comptes sur le risque de pertes présenté par un support d’investissement, ou à son obligation de le conseiller au regard d’un tel risque, prive ce souscripteur d’une chance d’éviter la réalisation de ces pertes ».
Elle opère donc ici la qualification du préjudice : la perte de chance d’éviter la réalisation des pertes subies.
Puis, pour retenir la manière dont le préjudice doit être évalué, elle retient que « si ces pertes ne se réalisent effectivement qu’au rachat du contrat d’assurance-vie, quand bien même le support en cause aurait fait antérieurement l’objet d’un désinvestissement, le préjudice résultant d’un tel manquement doit être évalué au regard, non de la variation de la valeur de rachat de l’ensemble du contrat, mais de la moins-value constatée sur ce seul support, modulée en considération du rendement que, dûment informé, le souscripteur aurait pu obtenir, jusqu’à la date du rachat du contrat, du placement des sommes initialement investies sur ce support. »
En conséquence, la Cour de Cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel qui avait retenu que « la perte d’une chance, pour les souscripteurs, d’éviter les moins-values constatées sur les unités de compte investies dans le fonds ne pouvait être compensée par les performances des réinvestissements effectués sur d’autres supports et qu’elle leur a alloué une somme correspondant à la moins-value enregistrée entre les décisions d’investissement et de désinvestissement sur le fonds en cause, augmentée du rendement qu’aurait produit un placement moins risqué, le tout affecté du coefficient de probabilité que, dûment informés, les investisseurs aient renoncé à cet investissement ».
En d’autres termes, il importe peu que le souscripteur ait réussi à compenser ses pertes par d’autres placements, dès lors qu’il est démontré que le banquier a manqué à son obligation d’information et de conseil sur les premiers placements souscrits.
La solution, sévère pour les établissements de crédit, est néanmoins compréhensible. Le banquier, professionnel, est tenu d’informer le client profane. Néanmoins, si le souscripteur n’avait pas réalisé de pertes, et quand bien même un défaut de respect de l’obligation d’information et de conseil aurait été démontré, il nous semble que la responsabilité du banquier n’aurait pas pu être recherchée, en l’absence de préjudice pour le souscripteur.
Pareillement, si le banquier avait rempli son obligation d’information et de conseil, quand bien même le souscripteur aurait réalisé des pertes, la solution aurait été assurément tout autre, en l’absence de faute de la part de l’établissement de crédit.